Menaces pesant sur l’espèce

L’augmentation de la population de l’Ours brun et l’amélioration de son patrimoine génétique fait face deux grandes menaces.

Menace 1 : Risques génétiques liés à la faiblesse numérique, à la fragmentation et à la forte consanguinité de la population

Les risques génétiques sont très élevés au sein de la population ursine pyrénéenne. L’étude Beaumelle réalisée en 2017 a démontré que la diversité génétique de la population ursine pyrénéenne était actuellement faible et avait décliné de 2006 à 2016. La perte de diversité génétique peut être directement reliée au nombre réduit d’individus fondateurs de la population ainsi qu’à la dérive génétique induite par la petite taille de la population. L’étude a permis de mettre en évidence une baisse de la diversité génétique au cours du temps et une taille de population efficace égale à 3.6 en 2016 pour une taille de population estimée cette année-là à 39 individus dans les Pyrénées centrales. Or, une taille efficace de 50 individus est théoriquement recommandée pour maintenir à minima une population du point de vue de la seule viabilité démographique, et minimiser l’impact de la dépression de consanguinité à court terme, sur 5-10 générations.

La taille efficace de population représente le nombre d’individus qui participent effectivement à la reproduction et contribuent au patrimoine génétique des générations futures. Lorsque la taille efficace de la population diminue, le degré de consanguinité augmente, la diversité génétique diminue du fait de la dérive génétique et des accouplements entre apparentés, la probabilité de fixation d’allèles délétères augmente, et la sélection devient moins efficace.

Un bilan réalisé en 2018 montrait que seuls 5 des 9 ours d’origine slovène relâchés dans les Pyrénées avaient participé jusque-là à la reproduction et avaient pu transmettre leur patrimoine génétique. L’étude de Beaumelle aussi a démontré un accroissement préoccupant de l’apparentement et de la consanguinité au sein de la
population depuis la réintroduction. Du fait de l’effet fondateur et du choix réduit de partenaires, les reproductions entre apparentés sont très fréquentes (une dizaine entre apparentés du 1er degré - père-fille - ont été recensées). Depuis 1997, une grande partie de la reproduction dans le centre-est du massif a été monopolisée par un unique mâle adulte dominant (Pyros). Il est le père de 24 des 27 oursons nés
entre 1997 et 2012 de père connu (soit 89% de ces oursons), et de 32 des 51 oursons nés entre 1996 et 2017 de père connu (soit 63% de ces oursons) ; et il s’est reproduit avec ses filles et ses petites filles.

Ce risque génétique important qui pèse sur la population est donc principalement lié à l’accroissement de la consanguinité, qui pourrait entraîner à moyen terme une baisse de la fécondité et de la survie des descendants issus d’accouplements entre individus apparentés, des modifications de l’âge de maturité ou des malformations physiques.

Menace 2 : Mortalité d’origine anthropique et acceptabilité sociale

Les risques démographiques, qui ont des effets à court terme sur la population, sont liés à l’effectif réduit de la population, ainsi qu’aux effets aléatoires des mortalités d’origines naturelle ou anthropique. Chaque destruction d’individu a potentiellement un fort impact sur la dynamique de la population (et en particulier celle des femelles adultes).
La destruction illégale a été une des causes de la régression de cette espèce au cours du XXème siècle. L’autodéfense des bergers vis-à-vis des ours trop prédateurs de bétail se traduisait par des actions de destruction directe (lors de battues). La destruction directe d’individus depuis l’interdiction de chasser l’espèce en 1981 a néanmoins causé la disparition de cinq ours (respectivement en 1994, 1997, 2018, 2020 et 2021). Bien que ces risques soient difficiles à supprimer complètement, leur réduction repose avant tout sur la formation et la sensibilisation des chasseurs pratiquant en zone à ours, ainsi que par des adaptations des pratiques cynégétiques dans les secteurs utilisés par les femelles suitées.

Les collisions avec les véhicules ou les trains constituent une autre source potentielle de mortalité. Ce risque s’accroît dès lors que la densité de route à trafic élevé est importante dans le domaine vital occupé par un ours. La femelle Franska et le mâle Boutxy ont été tués par collision routière respectivement en 2007 et en 2009.

L’année 2020 a été marquée par la mort de trois ours par des causes anthropiques dans le massif pyrénéen, soit près de 6 % de l’effectif minimum détecté en 2019 (52 ind.) : un premier mâle dans le Val d’Aran en avril, un deuxième abattu en Ariège au mois de juin et une femelle également abattue accidentellement au cours d’une chasse en Aragon en novembre. Il s’agit de la plus forte vague de mortalité depuis le classement sous statut de protection stricte de l’espèce, avec une occurrence quinze fois plus importante que la moyenne des quinze dernières années (1 mort de cause anthropique tous les 5 ans en moyenne). Un accident de chasse a également causé la mort d’une femelle suitée en novembre 2021.

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